Quels apprentissages au temps du COVID-19 en Tunisie?

Aujourd’hui,l’heure est grave pour tous et toutes sur la planète. Riches et pauvres, Sud et Nord, nous sommes tous embarqués sur un bateau qui prend l’eau.Nous naviguons à vue et les derniers chiffres publiés par l’UNESCO le 24 Mars sont alarmants : 1.37 milliards d’enfants et d’étudiants dans le monde ne vont pas à l’école ou à l’université à cause du virus, ce qui représente à peu près 80% des enfants et d’étudiants à l’échelle mondiale dans les 138 pays affectés par le virus et plus de 60 millions d’enseignants ne sont pas dans leurs écoles( https://fr.unesco.org/news/covid-19).

En Tunisie, il y a des évidences qui n’échappent à personne. Sur le plan éducatif, nous n’avons pas développé de stratégies en rapport avec les besoins de nos apprenants. Nous avons fait de très belles déclarations d’intention, comme vouloir une école moderne , qui réponde aux normes de notre siècle. Mais nous savons tous que la réalité nous renvoie une image d’une école où les problèmes sont nombreux  et qu’ il reste beaucoup à faire pour que l’école redevienne un lieu de vie et un espace convivial où l’apprentissage repose sur des méthodes actuelles, interactives, où l’école développe la connaissance mais surtout les compétences des apprenants.

Ce que nous vivons aujourd’hui, cette situation  sans précédent nous interpelle car elle risque de perdurer .Que font nos enfants de tout ce temps où ils ne vont pas à l’école et où ils risquent de ne pas aller pendant un certain temps. Allons-nous mettre au numérique pour remplacer les écoles fermées ?

Que propose-t-on à nos enfants ? Rien ou presque. Pourquoi ? D’abord parce que nous n’avons rien préparé dans ce sens. Nous avons certes des contenus en ligne, une plateforme numérique, des supports pédagogiques. Le gouvernement , en cette période,  propose des leçons sur les sites éducatifs ou sur les chaines de télévision (alors que nous parlons de méthodes modernes et d’interaction entre les élèves et leurs enseignants, entre les élèves eux-mêmes, nous parlons  d’appropriation des élèves de leurs apprentissages..)

Ces solutions ne permettent pas de répondre à nos défis de l’instant et les véritables problèmes sont ailleurs

D’abord, au niveau de l’infrastructure, combien d’enfants sont connectés à Internet ?Dans les villes, oui, peut-être, mais certainement pas tous. Dans les périphéries urbaines et dans les campagnes, le taux est certainement très bas.Le fossé entre les ayants et les démunis va se creuser davantage .Nous nous plaçons dans le cadre des Objectifs de Développement durable et notamment l’objectif 4  qui parle d’une éducation de qualité pour toutes et tous. Et quelles que soient les solutions que nous préconisons, elle doivent s’adresser à tous les apprenants,et ne laisser personne sur le bord du chemin.

  Ensuite, et si nous développons des contenus pédagogiques en ligne, interactifs et dans lesquels les apprenants seront actifs, qui va assurer ces cours ?Les enseignants ont-ils été formés à un enseignement à distance ?Peu l’ont été .La plupart ne pourront donc pas assurer un véritable relais de la classe présentielle.

Alors, quelles sont les solutions ? Elles viennent de la société civile qui  essaie d’utiliser les réseaux sociaux pour proposer des ressources pédagogiques variées, des activités souvent ludiques et des forums de discussions pour continuer à alimenter le lien avec les apprenants mais également alimenter la réflexion sur la crise, donner la voix aux jeunes pour qu’ils puissent s’exprimer librement sur cette réalité et sur leur vision de l’avenir.

Il faut également créer du lien avec les parents. Les enfants sont confinés chez eux, avec leurs parents et dans ce contexte, l’éducation parentale reprend tout son sens et toute sa place. Les parents ont besoin de soutien pour pouvoir aider  leurs enfants à passer ce cap difficile, cette situation anxiogène .Les liens familiaux ont içi toute leur importance .Le temps que les enfants passent à la maison aujourd’hui va donner la possibilité de discuter de sujets importants mais occultés par une scolarité qui grignotait sur le temps passé à la maison.

Alors, réinventons des liens plus forts, une vie familiale réelle, dans laquelle les enfants découvriront certainement leurs propres compétences, apprendront à aider, à s’entraider, à écouter, à apprendre , pas seulement avec des livres scolaires .  

Le virus a également démontré l’importance de la santé dans l’éducation  et surtout le décloisonnement et surtout les liens étroits entre l’éducation et la santé -ces deux droits humains fondamentaux qui doivent rester des biens publics- ont éclaté au grand jour.  La société civile a toute sa place dans la promotion de la sensibilisation à la santé, la prévention sanitaire ainsi que dans la diffusion d'informations pour élever le niveau des pratiques sanitaires et le changement de comportement.

L’après COVID 19 envisagera-t-il une réflexion plus globale de l’éducation ? La société civile est clairement un partenaire privilégié qui a ,à l’instar du pôle éducation du programme Soyons Actifs-Ves, une vision plus globale de l’éducation dans laquelle tous les acteurs ont un rôle à jouer  .Alors, dès aujourd’hui ,essayons de garder le lien avec les élèves et les étudiants, impliquons les dans la réflexion sur cette crise, sur le regard que nous portons sur notre planète et commençons à réfléchir ensemble, tous ensemble, à l’avenir proche mais incertain…….

Héla Nafti

Coordination du pôle éducation

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